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vérifier. Depuis quelque temps, après le départ de Mlle  de La Ralphie, il allait tous les dimanches à Fontagnac et en revenait outrageusement saoul. En cet état, c’était « une sale bête », comme le dit la Martille à sa maîtresse, en lui racontant que le dimanche passé il avait rossé Mérical et voulu « entreprendre » la pauvre vieille Mentilloune.

— Il n’y a qu’à le renvoyer, dit-elle, M. Boyssier lui paiera toute l’année, s’il le faut, mais qu’il parte tout de suite : demain tu iras là-bas.

Elle fut contente de s’être débarrassée de ce goujat qui lui était devenu odieux. La honte qu’elle avait eue des troubles impurs qu’il lui avait causés, s’était changée en haine.

Son état général, au moral comme au physique, ne faisait d’abord que s’exacerber en de violentes crises. Rongée de pensées qu’elle ne s’avouait qu’avec peine, tout le jour elle courait le pays, errant au hasard, sans intention comme sans but, uniquement poussée par un instinctif besoin d’agitation. L’activité physique était, pour sa puissante nature, comme un emploi de l’excès de forces qui l’exaspérait. Lorsqu’il faisait trop mauvais temps, pendant de longues heures elle allait et venait sous le petit cloître, comme un balancier d’horloge. La tête en tournait à la pauvre Géraude de voir ce mouvement régulier et monotone. Devant la grande fille, elle se contenait ; mais, quelquefois, dans sa chambre, seule avec la Martille, elle laissait échapper des interjections déchirantes, des cris ou des sortes de rugissements sourds qui faisaient frémir la chambrière.

— Vous vous tuez ! disait-elle à sa maîtresse.

— Il n’est pas nécessaire que je vive ! mais il faut que Mlle  de La Ralphie ait sa propre estime !