Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/284

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme l’aiguille d’une boussole remuée vers le nord. Ses ardeurs de sang la reprirent ; la passion physique, irritée par une longue viduité, la tourmentait. Un irrésistible besoin d’activité la ressaisit, sorte de dérivation instinctive de la pléthore corporelle qui la fatiguait. Lorsqu’elle sortait à cheval, c’était sur les coteaux et dans les chemins perdus des courses folles d’où elle revenait le soir, brisée plutôt que lasse. Le plus souvent, en costume de chasse, elle s’en allait à pied, avec sa chienne, à travers les bois, les landes et les grandes « grèzes » ou friches, de ce pays sauvage et accidenté, fuyant les villages et la rencontre d’un être vivant. Lorsqu’au loin elle apercevait une bergère ou un braconnier en sabots et bonnet bleu quêtant un lièvre au gîte, elle tournait d’un autre côté. Ses allures étranges et ses manières bizarres faisaient dire aux paysans qui la rencontraient par hasard :

— Elle « raffolit », la demoiselle !

Au reste, ses affaires étaient arrangées de telle manière qu’elle pouvait s’isoler à sa volonté et ne communiquer avec le monde extérieur que par M. Boyssier et ses femmes. Le domaine de Canteloube consistait, à part les terres incultes et les mauvais prés autour du château, en un millier de journaux de taillis de châtaigniers exploités en coupes pour le feuillard ou le charbon. Un vieux bonhomme, garde assermenté, s’occupait de la surveillance ainsi que de l’exploitation et portait l’argent au notaire. Pour Guersac, la Martille, une ou deux fois par semaine, y allait, montée sur le mulet, partageait avec les métayers, envoyait le bétail aux foires et régissait la réserve travaillée par Jules.

Il était toujours vaillant, le Nasou ; seulement, l’exactitude des dires du piéton commençait à se