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les yeux de Valérie étaient fixés sans les voir, tandis que sa pensée, encore assoupie, flottait dans une incertaine contemplation de l’avenir. Puis, un. moment après, elle ouït monter l’escalier et la Martille entra portant des paquets, suivie de la Géraude, chargée de bois, qui venait allumer le feu.

— Mademoiselle a bien dormi ?

— Assez bien… merci !

— Et vous n’avez pas eu peur, toute seule, dans ce vieux château perdu au fond des bois ?

— Je n’ai peur que de moi, ma pauvre Martille.

— C’est égal, j’ai fait porter votre fusil et puis j’ai amené votre chienne.

Ayant dit, la chambrière se mit en devoir de placer le linge et tout ce qu’elle apportait, en expliquant qu’elle était partie au petit jour sur la bourrique, avec Mérical qui menait le mulet de bât avec des provisions dans les cantines et par-dessus une petite malle et les paquets. Après avoir mis les objets de toilette dans la tour et rangé le reste dans la lingère, la Martille envoya la grande fille quérir la mallette, puis elle revint vers sa maîtresse qui se glissa hors du lit, enfonçant ses pieds blancs dans l’épaisse fourrure d’une peau de loup.

Après le déjeuner, la Martille fit un second voyage à Guersac avec Mérical et revint presque à la nuit. Le lendemain, elle recommença, et, en quelques jours, eut achevé le déménagement de tout ce qui était à usage personnel de sa maîtresse.

Pendant ce temps, la nouveauté de la situation, l’éloignement de ceux qui l’avaient troublée, la vie solitaire, tout cela amortit un peu les tyranniques exubérances de Mlle  de La Ralphie. Mais cette accalmie dura peu. Ses idées, orientées vers le plaisir, un instant dérangées, y revenaient promptement