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Parfois, une bûche, rompue par le milieu, roulait. en deux tisons que Valérie replaçait avec de lourdes pincettes à charnières ; puis, se renfonçant dans le fauteuil, elle réfléchissait à sa destinée. La résolution qu’elle avait prise la rassérénait. Il lui semblait facile, en ce moment, de s’isoler du monde extérieur et de vivre solitaire dans ce désert. Puisque sa grand’tante y avait passé sa vie sans avoir jamais aimé pourquoi ne ferait-elle pas de même ? Le sort avait voulu qu’après avoir connu le bonheur elle restât seule dans une situation sans issue honorable ; elle se résignait et se voyait déjà dans l’éloignement des ans, vieille et près de la mort.

Le feu s’éteignait lentement ; Mlle  de La Ralphie se dévêtit et se coucha. Elle fut longtemps avant de s’endormir, comme il arrive à ceux que travaillent de tristes pensées. Elle avait la vision dans le lointain du temps à venir, de son propre corps, roide, froid, hideux, étendu dans ce même lit comme elle y avait vu sa tante. Puis, un hennissement de « Kébir », au fond de son écurie, lui rappela le souvenir de Damase. Ah ! comme maintenant il lui semblait qu’elle eût fait bon marché des préjugés orgueilleux qui les avaient séparés !… et des regrets amers l’envahirent à la pensée de cet unique amant dormant là-bas, sous la terre d’Afrique. Puis l’image du petit Gérard, de cet enfant adoré, se présenta devant ses yeux grands ouverts, qui se mouillèrent de larmes. Enfin, bien avant, dans la nuit, lasse, accablée, le sommeil vint lui clore les paupières.

Il était tard lorsqu’elle se réveilla, le lendemain. Le temps était froid et triste. À travers les petites vitres verdâtres, assemblées par des lamelles de plomb, un pâle soleil d’hiver filtrait et dessinait vaguement sur le plancher des losanges réguliers sur lesquels