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en saillie, est protégée par une sorte de moucharabi. De rares fenêtres à meneaux, étroites et grillées de barreaux de fer serrés et entrecroisés, s’ouvrent à une hauteur qui défie l’escalade. Aux alentours du château, point de jardin d’agrément ni de bois marmenteaux. Quelques maigres terres en friche et de mauvais pâtis appelés « rosières » dans le pays séparent l’habitation des bois environnants. Là, dans cet antique manoir délabré, où jamais elle n’avait fait une réparation, demeurait la vieille demoiselle de Xaintrac, grand’tante de Valérie.

En arrivant, après deux heures de chevauchée, à la cime d’un des coteaux qui enferment cette grande combe, Mlle de La Ralphie s’arrêta un instant. Les taillis de châtaigniers, dépouillés de leurs feuilles, qui garnissaient les pentes roides, avaient cette couleur sombre caractéristique due à l’écorce des cépées, qui a fait donner son nom de « noir » à la partie du Périgord située entre les deux grandes rivières de la province. Au fond de ce creux, le château, amas confus de pierres grises, se distinguait à peine des terres et des pâtis desséchés qui l’entouraient. Par-dessus, un ciel d’hiver, bas et terne, recouvrait le paysage comme d’une calotte plombée. Pas un arbre de haute futaie, pas une habitation en vue, sur cet horizon borné ; aucun accident de terrain sur lequel le regard pût s’arrêter un instant ; rien que les bois noirs dévalant uniformément sur les pentes des coteaux. Pas un bruit, pas un cri de bête, pas un chant d’oiseau ; c’était la solitude, une solitude morne et muette. Une indicible tristesse se dégageait de cette nature sauvage et désolée. Le lieu était bien nommé ; dans les longues nuits d’hiver, on devait ouïr les loups rôdeurs hurler à la lune sur les « cafourches » ou carrefours sinistres des bois.