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à la besogne et ne la quittait que longtemps après « soleil entré ». Et puis, très honnête avec la demoiselle et très complaisant pour la Martille, en sorte que, figure à part, il pouvait passer pour un valet de terre modèle. Il y avait bien la question de l’ivrognerie, mais, sur ce point, il surprit agréablement tous ceux de Guersac. Le premier dimanche après sa venue, il décrocha l’épervier suspendu sous le hangar, et, ayant épié le passage du garde-pêche, s’en alla prendre des acées en descendant la rivière, du côté de Saint-Gassien. Le dimanche ensuivant, il pleuvait, en sorte qu’il resta au logis dans « l’en-bas », où il y avait un banc et des outils de menuisier, et répara une « roudille », autrement dit une brouette. Il continua ainsi plusieurs dimanches, pêchant, braconnant, s’amusant à des choses utiles et faisant, par sa conduite, mentir le piéton sur la saoulerie dominicale.

Dans la semaine, il ne se laissait pas distraire du travail, et bûchait comme un sourd, ainsi qu’on dit, prenant consciencieusement les intérêts de la demoiselle et gouvernant bien la réserve, mieux peut-être même que le défunt Mentillou. Un soir, la nuit venant, comme il sarclait encore dans le jardin, la chambrière le voyant ainsi acharné à l’ouvrage, lui cria :

— Laisse ça !… Il ne faut pas te tuer !

— N’ayez crainte, Martille, je suis solide !

Cette réponse parut étrange à Mlle  de La Ralphie qui l’entendit. Elle s’en alla songeuse, cherchant un sens caché dans ces paroles toutes naturelles. Le propos du facteur lui revenait à l’esprit et elle le rapprochait de la grossière vanité du Nasou se jactant de sa force, comme s’il y eut eu quelque corrélation entre ces deux choses.