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— Voilà un bon endroit pour faire sa prière !

Et pour commenter ses paroles, il les accompagna de gestes assez libres.

Mais, d’un coup du canon de son fusil ; elle lui rabattit rudement le bras et puis le mit en joue.

— File ! maroufle ! et vite !

En voyant les éclairs qui jaillissaient de ses yeux transperçants, le receveur eut peur et s’enfuit à travers les halliers, s’accrochant aux ronces, se heurtant çà et là aux cépées.

Cette piteuse retraite était grotesque et risible ; mais Mlle  de La Ralphie n’avait pas envie de rire. Elle était outrée qu’un pareil drôle eût l’audace de l’attaquer avec cette grossièreté brutale. Sa fierté de femme et son orgueil de fille noble souffraient également de cet affront. En revenant à Guersac, elle rugissait intérieurement en pensant à cela, et la colère lui gonflait les narines et lui faisait battre les tempes. Elle était sensuelle, la beauté mâle la grisait, la chair superbe l’affolait, mais le vice ignoble la révoltait.

Cet incident la fit réfléchir plus profondément à sa situation. Ce goujat, qu’elle avait si vertement relevé, était, cela se voyait assez, un vulgaire débauché habitué aux filles de bas étage. Néanmoins, il fallait qu’il la méprisât bien pour avoir été aussi osé. Elle savait ce qui se disait à Fontagnac, elle n’ignorait pas que sa liaison avec Damase, que l’enfant qu’elle avait publiquement avoué, la faisaient mésestimer. Cependant, il y avait une différence entre avoir un amant comme Damase et se prêter dès l’abord au premier venu, laid et répugnant comme ce garçon. Il fallait qu’il soit bien écervelé pour avoir eu une aussi impudente insolence sur la foi des calomnies qui se débitaient au Cercle et