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Au logis, elle était toujours agitée, toujours en action. À son lever, après un rapide bain d’eau froide, elle descendait sur la terrasse, regardait la Vézère, la plaine au delà, où fumaient les métairies qui lui appartenaient, et, plus loin, bordant la vallée vers le midi, les coteaux boisés et enchevêtrés du Périgord noir. Mais elle était peu sensible aux beautés agrestres et aux laideurs originales de ce paysage en ce moment brûlé par le soleil. Les couplets alternés des chansons des moissonneurs montaient dans l’air d’un bleu cru et se mêlaient au susurrement, étourdissant des cigales collées au tronc des arbres du petit parc. Sur la rivière, au droit du rocher gigantesque dont la plate-forme bordée de murs formait la terrasse, des oies, descendues des « bories » ou métairies voisines, évoluaient et plongeaient le cou sous les eaux claires, cherchant des lamproyons dans les sables. Sur le chemin de halage, un bouvier excitait, de la voix et de l’aiguillon, ses bœufs lents qui remontaient péniblement des gabares amarrées à la queue leu leu. Toutes ces choses rustiques, auxquelles son enfance avait été accoutumée et qui n’avaient pas pour elle l’attrait de la nouveauté la laissaient indifférente et blasée. Elle rentrait, ressortait de l’autre côté du château, dans la cour, puis s’en allait dans le parc, où, après avoir longtemps viré, tourné au hasard, elle s’étendait, à l’ombre d’un bosquet de frênes, d’où tombait l’odeur pénétrante des cantharides.

Elle ne rêvait point, car sa nature sensuelle et positive ne se complaisait pas aux chimères de l’imagination, mais restait là, couchée tout de son long sur le dos, les yeux fixes, ayant toujours en son esprit, dans ses moments les plus calmes, la préoccupation latente du plaisir dont elle était sevrée depuis