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profond sommeil jusqu’au matin. Sa messe dite, il alla faire le catéchisme aux enfants de la première communion, et, après le déjeuner, se retira dans sa chambre. Sur la table était disposée une livraison des Annales de la Propagation de la Foi, envoyée par Mme Decoureau. L’abbé déboutonna le col de sa soutane, s’assit dans un vieux fauteuil en velours d’Utrecht et se mit à lire.

Mais, au bout d’un moment, il donna quelques signes d’inquiétude. Son esprit ne parvenait pas à suivre avec attention le récit d’un bon missionnaire qui racontait, assez prolixement d’ailleurs, le baptême de quelques jeunes Chinois arrachés à ces fameux cochons violets devenus légendaires, et qui valent sans doute aux catholiques les représailles récentes, ces caricatures porcines qui les affligent tant. Chose qui lui paraissait étrange et qui était pourtant très explicable, tant qu’il avait été tourmenté de terreurs religieuses, aucune mauvaise pensée ne lui était venue, quoiqu’il fût en état de péché. Ses préoccupations exclusives et ses angoisses ne lui avaient pas permis de songer à Mlle de La Ralphie, car les pensées de ce genre exigent quelque quiétude d’esprit. Mais voici que maintenant qu’il était tranquille, réconcilié, en paix avec Dieu, le souvenir de la tentatrice lui revenait et les réminiscences troublantes l’assaillaient. Il avait la vision d’une gorge ferme et blanche, aperçue dans l’entrebâillement de la robe du matin et cela l’agitait fort. Il prit ces réminiscences pour des suggestions du Malin, et fit le signe de la croix en s’étonnant naïvement de n’être pas préservé de ces pensées dangereuses par son état de grâce tout récent. Pendant qu’il était obsédé de visions infernales, ses sens, contenus par le remords et la crainte de la damna-