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datant du quatorzième siècle, les deux prêtres sortirent, et, ayant fait lentement le tour du petit bourg qui comptait tout juste six maisons, ils revinrent à la maison curiale, et, pour aider à la Jeannille, ramassèrent des fraises plein une jatte en vieille faïence de Thiviers.

Lorsque tout fut prêt, le vieux brave homme de curé dit le Benedicite, puis ils s’assirent et soupèrent gaiement, ma foi ! L’abbé Sagnol, absous, se sentait maintenant à l’aise et de grand appétit ; puis son confrère paraissait avoir pris cette faute qu’il jugeait lui, très grave, comme une chose ordinaire, et cela le rassurait. La servante avait mis sur la table, recouverte d’une nappe de toile de ménage toute blanche de lessive, deux bouteilles poudreuses, et, le bon vin aidant, il se remit entièrement et fit honneur à tous les plats. Après la desserte, le curé alluma sa grande pipe d’écume à tuyau de corne, puis alla quérir, dans un placard, des bouteilles de formes variées, et fit tâter à son convive d’abord du pineau, ensuite de l’eau de noix de sa fabrication, puis des cerises en bocal, des « guins », comme on dit au pays, et, enfin, au refus d’autres liqueurs de ménage, telles que genevrette, eau-de-coings, cassis, de sa vieille eau-de-vie de douze ans.

Le soir après avoir pris congé du curé avec force remerciements et poignées de main, le vicaire revint allégrement à Fontagnac, heureux de s’être débarrassé d’un fardeau qui lui pesait et plein de bonnes résolutions pour l’avenir. Ayant reconquis la paix de sa conscience, dans la légère exaltation de la joie et, de ses modestes libations, il oubliait complètement la scène de la veille.

Fatigué par l’insomnie de la nuit précédente et par ses agitations, l’abbé Sagnol s’endormit d’un