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scrupuleux et timoré à l’excès. Aussi se tourmentait-il fort en retournant à Fontagnac de ce qui était arrivé. Quoiqu’il n’eût pas péché activement, l’abbé se sentait coupable d’un gros péché d’intentions. Il se rendait très bien compte qu’à certain moment il avait consenti intérieurement à transgresser ses vœux et le quatrième commandement, et que, si la transgression n’avait pas été effective, c’était par une circonstance dont il avait encore même quelque dépit.

Il n’en fallait pas davantage pour éveiller les remords du vicaire qui se représentait en les exagérant les conséquences de sa faute intentionnelle et se lamentait mentalement. Il se jugeait indigne, maintenant, d’approcher de l’autel et d’annoncer aux fidèles la parole de Dieu. « Pourrai-je désormais, se disait-il, réprimander au tribunal de la pénitence, des pécheurs moins coupables que moi ? Et, irai-je demain, prêtre infâme, offrir le saint sacrifice de la messe dans l’état de péché où je suis ? » Cette dernière pensée surtout le désespérait, parce qu’il sentait l’impossibilité morale d’avouer sa faute au curé Turnac, qui le haïssait, et d’en obtenir l’absolution sacramentelle. Pourtant, le mouvement, la marche, l’influence apaisante de la nature extérieure calmèrent un peu les inquiétudes du vicaire, mais la nuit, ses remords anxieux le reprirent. Son esprit très positif à l’égard des choses de ce monde, était, quant à celle de l’extra-terrestre, plein de chimères et de terreurs. Dans l’obscurité, toutes les illusions de son imagination prenaient corps. Il se voyait damné déjà et ressentait par avance les horreurs de l’enfer, telles qu’elles sont décrites dans les méditations des jésuites. Il brûlait du feu inextinguible qui consume les damnés ; il entendait leurs hurlements de douleur et respirait les odeurs infectes de la poix,