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Ses deux visites au château étaient peut-être passées inaperçues, mais à la maison de la rue de la Barbecane elles eussent sûrement fait jaser. Elle-même se sentait incapable de cacher la fièvre qui la tourmentait, et pour ne pas compromettre l’abbé, elle évitait de se montrer en ville et dirigeait ses promenades d’un autre côté, lorsqu’elle montait « Kébir ». Elle avait, d’ailleurs, deviné ce qui se passait dans l’esprit du vicaire, et sûre qu’il reviendrait, patienta en rongeant son frein.

Lorsqu’il arriva et qu’il la trouva sur un canapé, assise, sombre, alanguie, les yeux battus, l’abbé sentit s’envoler ses résolutions de ferme réserve. Il fut attendri soudain, sentant vaguement qu’il était pour quelque chose dans cet état, et ne songea qu’à la plaindre, à la réconforter par de bonnes paroles. Elle écoutait en silence, exprimant parfois, d’un geste, son indifférence pour toutes choses, et laissant entrevoir, par des phrases voilées, par d’expressives réticences, qu’une seule lui tenait au cœur. Le salut de son âme lui serait précieux uniquement parce qu’il viendrait de l’abbé. Lui, continuait toujours son discours, s’efforçant d’assoupir ces pensées profanes par de vagues mélopées de sentimentalité religieuse et tâchant de spiritualiser ce que les confidences de Mlle  de La Ralphie avaient de trop terrestre. Mais il n’y réussissait guère, troublé lui-même par des phrases à double entente qui, sous le couvert de l’âme, accusaient le délire des sens. La diversion était dangereuse, d’ailleurs. Aussi, en voyant le vicaire se hasarder sur ce terrain brûlant du sentiment mystique et de cet espèce d’amour spirituel qui lie le prêtre à sa Philothée, Valérie tressaillit d’espoir et ses yeux se voilaient. Mais l’abbé, quoique fortement impressionné par la volupté ambiante qui