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tenir encore, mais il refusa positivement, alléguant une visite à faire à un malade, et s’en alla bientôt, la laissant nerveuse et irritée.

Chemin faisant, il se remémorait ces choses, et, hors de la présence de Mlle de La Ralphie, reprenait son sang-froid et entrevoyait le danger. Pendant quelques jours, il y eut lutte dans son esprit. Ses scrupules de prêtre, très puissants, le retenaient à Fontagnac, tandis que son ambition, non moins forte, lui montrait le renom que lui donneraient la conversion de la « demoiselle » de Guersac et la fondation de l’œuvre pie qui, dans sa pensée, s’y liait essentiellement. Une autre chose encore le retenait. L’inconnu féminin effrayait ce colosse vierge. Une sorte de crainte purement humaine se mêlait à ses scrupules religieux et le tourmentait. Il eût voulu être défendu de son émotion par la grille d’un confessionnal ; mais, de se retrouver en tête à tête avec Mlle de La Ralphie, dans le demi-jour du salon, cela lui faisait peur. Pourtant, une secrète inclination, un attrait dont il cherchait à se déguiser la nature les amalgamant avec ses projets de prosélytisme, le poussaient vers Guersac. Il hésita, résista pendant quelque temps, se mit en route, rebroussa chemin, puis, quinze jours après, se décida enfin à revenir à Guersac, bien résolu, d’ailleurs, d’être seulement et exclusivement le vicaire de Fontagnac dévoué au salut d’une âme pécheresse.

Pendant ces quinze jours, la passion de Valérie s’était irritée jusqu’à l’exaspération. Si elle n’eût écouté que ses désirs, elle eût couru à Fontagnac, tant elle avait soif de revoir l’abbé. Mais elle sentait que dans cette petite ville, pleine d’oisifs, de curieux avides de scandale, et sous les yeux jaloux du curé Turnac, il était tenu à beaucoup de circonspection.