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dont l’éducation sacerdotale avait enveloppé l’abbé, quelque chose d’inconnu jusqu’ici, le charme de l’irrésistible féminin, avait pénétré jusqu’à son cœur timoré. En exaltant le bonheur d’être en paix avec Dieu et le charme d’une vie pieuse et innocente, le vicaire, quoiqu’il en eût, choisissait ses mots et laissait échapper, comme malgré lui, de ces expressions de paternité spirituelle qui, au cours de graves paroles, semblent une discrète caresse, tandis que ses yeux, inexpressifs d’ordinaire, semblaient s’animer.

Elle ne résistait pas à l’œuvre de la grâce, oh ! non ! Jamais aucune Philothée n’avait paru être dans de meilleures dispositions. Elle comprenait bien le bonheur dont parlait l’abbé ; mais voilà, elle n’était qu’une femme faible et sujette à l’erreur. Il lui fallait un ami sûr pour la guider dans le sentier du bien ; un bras fort pour la soutenir dans le chemin difficile de la vie. Et elle laissait entendre que cet ami sûr, c’était lui, que le bras fort sur lequel elle voulait s’appuyer était là, allongé sur le rebord du fauteuil ; et quand même ses paroles n’eussent pas été assez explicites, ses regards, chargés de passion, les commentaient assez.

Quoiqu’il ne vit pas l’exacte vérité, il semblait bien à l’abbé que ce n’était pas là des dispositions assez dégagées de mondanités, ni suffisamment contrites ; mais il était comme enveloppé d’une atmosphère engourdissante, et, malgré ses résolutions, il n’avait pas la force de se montrer rigide. « À la brebis tondue, Dieu mesure le vent », se disait-il mentalement. « Il ne faut pas être trop sévère pour cette pauvre âme engluée dans les ténèbres de poix du péché, et incapable de supporter, dès l’abord, la pénitence dans toute sa rigueur. » Et il l’exhortait doucement : sans doute, il serait ce guide dont elle parlait ;