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avec elle l’attitude austère du juge devant sa justiciable ; d’avoir accepté la communion profane du pain et du vin qui met à table l’un et l’autre sur le pied d’égalité. Mais le diable lui suggéra cette excuse, que ce qu’il avait fait c’était en vue du salut de la belle pécheresse ; qu’on ne prenait pas les mouches avec du vinaigre ; que la patience et la douceur sont plus efficaces que la sévérité ; qu’avec les gens du monde, il fallait bien se prêter aux usages mondains ; enfin, qu’en se refusant aux politesses de Mlle  de La Ralphie, il aurait gravement compromis le succès de ses projets. Un peu tranquillisé par cette première composition de conscience, l’abbé tira son bréviaire de sa poche et s’efforça d’y appliquer son esprit.

Mais quelque chose était changé en lui, et, tandis que ses yeux s’efforçaient de suivre le texte que ses lèvres, murmuraient selon la discipline ecclésiastique, dans ses oreilles tintait encore la voix charmante de la châtelaine de Guersac.

Lorsqu’il revint, quelques jours après, il reprit son thème de la dernière fois, bien résolu à ne pas s’en écarter, à ne pas laisser dévier leur entretien vers des choses frivoles dont il avait senti le danger. Ils étaient assis près l’un de l’autre, dans le salon aux volets mi-clos, à cause de la chaleur. L’abbé parlait lentement, d’une voix un peu amortie, comme pour atténuer ce qui pouvait paraître personnel dans ce qu’il disait, afin que son hôtesse vît bien que c’était le prêtre qui parlait et non pas l’homme. Pourtant, à son accent, à des inflexions de voix émues qui lui échappaient, Valérie sentait bien qu’il ne récitait pas une leçon apprise dès longtemps, comme la première fois ; elle comprenait qu’à travers l’épaisse cuirasse de préjugés et d’ignorance