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au cas particulier de son hôtesse, mais suffisamment voilées pour qu’elle ne pût s’en blesser. S’il précisait un peu, quelquefois, c’était avec des ménagements infinis et une douceur d’expression onctueuse. Il trouva, dans ses souvenirs des bons sermonnaires, des paroles touchantes pour peindre le bonheur d’une conscience purifiée dans les eaux salutaires de la pénitence, et il s’étendit longuement sur les délices de l’âme pécheresse réconciliée avec son Dieu. Il parlait ainsi, doucement, d’une voix de confessionnal, avec des inflexions caressantes qui étonnaient dans ce colosse, et, de temps en temps, coulait un regard plein de componction sur Mlle  de La Ralphie, comme pour voir si la grâce opérait. Elle, enfoncée dans son fauteuil, les bras allongés sur l’appui, la tête légèrement inclinée en avant, paraissait émue et l’était en effet. Mais, tandis que le vicaire se flattait du succès de sa pieuse exhortation et voyait déjà cette brebis égarée venir à son confessionnal, elle pensait à toute autre chose.

D’objections, elle n’en faisait pas ; elle se bornait à lui donner la réplique lorsque ses paroles l’exigeaient et semblait approuver, par son quasi-silence, le discours familier et persuasif de son interlocuteur. Enfin, l’abbé, charmé de la docilité de cette ouaille, après avoir copieusement parlé, termina par l’expression d’un pieux espoir et la promesse d’ardentes prières à son intention. Comme il se levait pour prendre congé, Mlle  de La Ralphie le regarda de ses yeux brillants :

— Monsieur l’abbé, restez donc à déjeuner ?

Il voulut s’excuser sur des devoirs à remplir, un catéchisme à faire… Mais elle insista :

— Vous arriverez trop tard au presbytère : acceptez, Monsieur l’abbé, ou, vraiment, j’aurai des remords de vous avoir retenu si longtemps !