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fallait que l’abbé fût bien calme de tempérament ou bien absorbé par ses projets, pour n’être pas quelque peu remué par le voisinage de son hôtesse. Une robe du matin, sans corset, dessinait sa taille élégante et ses belles formes. Son sein soulevait doucement le nankin léger qui faisait ressortir sa belle tête brune. Dans les larges manches, ses bras nus jouaient à l’aise et se découvraient jusqu’à la saignée, lorsqu’elle montrait au loin les villages épars. Le col aisé, ouvert en cœur, laissait apercevoir la naissance de sa gorge ferme et blanche. Sur la nuque, une forêt de petits cheveux follets, drus et noirs, se tordaient en frisons provoquants, et, se faisant plus rares en descendant, allaient se perdre entre les épaules en un duvet léger, comme un ruisselet absorbé par les prés au fond d’une combe. Oui, il fallait que l’abbé fût cuirassé d’indifférence comme saint Antoine, de frigidique mémoire, pour n’être pas remué par cette belle créature capiteuse et troublante, dont la nuque appelait les baisers.

Mais enfin il gardait son beau sang-froid et discourait tranquillement comme s’il eût été en présence de la vieille Janou, de l’hospice, l’ancienne servante du défunt archiprêtre, qui marchait sur ses quatre-vingts ans. Valérie fit apporter des sièges sur la terrasse, et ils s’assirent. Après avoir épuisé les propos indifférents sur le paysage et le beau temps, l’abbé en vint tout doucement à de pieuses exhortations. Le désir de se signaler par une aussi notable conversion lui donnait cette habileté facile et préparée du prédicateur sûr de n’être pas contredit, et même, chose plus rare, du tact. Il évitait avec soin tout ce qui eût pu froisser la fierté de Mlle  de La Ralphie, fierté qu’il devinait sans qu’elle se fût manifestée et se tenait dans les généralités applicables sans doute