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et de seigles épiés déjà, qui ondulaient à la brise avec des reflets argentés. Des chemins étroits, bordés de haies épaisses, contre lesquelles se dressaient des chèvres au piquet, allaient aux villages et aux métairies éparses au milieu des champs cultivés. Les maisons basses d’autrefois, entourées de vergers plantés d’arbres à fruits, avaient, vues de loin, un aspect riant et agreste avec leurs portes et leurs petits fenestrous encadrés d’un badigeonnage au lait de chaux. À portée de la vue, des troupeaux d’oies évoluaient sur la rivière, pendant que les oisons, au duvet verdâtre, paissaient l’herbe courte le long du chemin de halage. Au milieu des champs, des femmes sarclaient les blés, et, dans les terres où se semait le blé d’Espagne, des laboureurs, tenant le manche de l’antique araire, encore en usage dans le pays, poussaient leurs bœufs lents avec des excitations calmes ou colères, qui s’entendaient au loin, portées par l’air pur.

L’abbé Sagnol n’était pas, il faut le redire, d’une nature poétique. Il admira le paysage, un peu par politesse, comme faisant partie des agréments du château, et en vint promptement à des pensées plus positives, à la supputation du produit, des terres dans la plaine et du revenu des cinq métairies qu’y avait Mlle  de La Ralphie. Pour entretenir la conversation, tout en songeant à cela, il demandait le nom des villages qu’on apercevait de là et elle les lui nommait complaisamment. Elle était pourtant un peu étonnée, la châtelaine de Guersac, de ne pas remarquer chez son visiteur cette secrète admiration, cette émotion obscure et latente qu’éprouvent les hommes les plus froids en présence des femmes désirables comme elle l’était, émotion que les plus sages sont perspicaces à découvrir. Et, en vérité, il