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pétait à satiété son chant moqueur, tandis qu’au bruit des pas de l’abbé, des iris de la rive, un martin-pêcheur s’envolait en poussant son petit cri effarouché.

À tout être jeune, ayant un grain de poésie dans l’âme, cette promenade, qui avait pour terme la demeure d’une femme charmante, eût suggéré des idées riantes, eût fait sourdre ces bouffées amoureuses du printemps de la vie qui troublent les cœurs les plus innocents. Mais l’abbé Sagnol était loin d’avoir de semblables pensées. Toute son intelligence était tendue vers le but qu’il s’était proposé, et, en cheminant, il ruminait les moyens d’y parvenir. Ce prêtre, encore tout imprégné de la vie du séminaire, n’avait pas cette fatuité naïve de la plupart des jeunes hommes qui ont, quelque vulgaires qu’ils soient, une idée avantageuse de leur personne. Dans sa conception simpliste, les hommes à bonnes fortunes, les séducteurs, les « lovelaces », comme on disait encore en ce temps, étaient des petits-maîtres portant corset ; des dandys avec des pantalons collants et des gilets en cœur ; pommadés, frisés, avec un lorgnon à l’œil et une badine à la main. Il se trouvait si loin de ce type du « lion » mondain qu’on l’eût fort étonné en lui disant qu’il pouvait, sous sa soutane austère, inspirer des passions. Il s’ignorait lui-même, le candide vicaire, et était loin de soupçonner que sa tête puissante, son torse superbe, moulé sous le drap léger, et son mollet musculeux, découvert par la soutane relevée à la mode gallicane, pouvait séduire une femme. Il ne savait pas, l’innocent, que pour les femmes du tempérament de Mlle de La Ralphie, « l’homme », dans le superbe développement de la force mâle, a un genre d’attrait tout-puissant ; il ignorait que celles-là préfèrent Her-