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devaient, dans la pensée de l’abbé, l’avoir matée, assouplie et disposée à revenir à la religion. Il se mécomptait un peu. Sa psychologie ne valait pas sa diplomatie ; il ne savait pas que les natures fières regimbent sous les coups du sort et que le malheur ne les dispose pas à la prière et à la soumission, mais au blasphème et à la révolte : ainsi était Mlle  de La Ralphie. Dans les commencements, sa douleur, exaspérée par la solitude, se répandait en imprécations ; elle accusait de férocité ce Dieu qui tuait les petits enfants dans les bras de leur mère et blasphémait amèrement la divine Providence que la mère Sainte-Bathilde lui avait appris à adorer. Puis, avec le temps, ces explosions de colère révoltée s’apaisèrent et il ne lui resta au cœur qu’une haine muette et concentrée pour ce Dieu que l’humanité adore ou maudit sans le connaître.

La mort de cet enfant idolâtré eut encore pour effet, sinon d’effacer entièrement de l’esprit de Mlle  de La Ralphie la mémoire de Damase, du moins d’atténuer les regrets. Cette douleur nouvelle amortissait l’ancienne ; l’enfant disparu emportait avec lui le souvenir de son père dont il était la vivante image. Aussi, lorsque le temps eut fait son œuvre, lorsqu’à son tour sa douleur maternelle s’apaisa, que ses chagrins s’adoucirent, Valérie glissa dans une tristesse calme, dernière période de cette crise violente créée par les deux morts successives qui lui avaient meurtri le cœur. Elle ne devait pas rester longtemps dans cet état, car elle était d’une complexion trop énergique ; la chair, en elle, avait trop d’action pour qu’elle s’éternisât dans de mélancoliques regrets.

Après avoir fait éconduire plusieurs fois l’abbé Sagnol, pendant les cinq ou six mois qu’elle habita