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réunis du docteur, de la Martille et de la nourrice pour la retenir. Elle allait par la chambre mortuaire, donnant du front contre les murs avec des cris semblables à des hurlements. Puis elle revenait, pressait. l’enfant dans ses bras, lui parlant comme s’il eût été encore en vie et le serrait sur sa poitrine, lorsque la pauvre nourrice en pleurs voulait le reprendre. Rendue un instant au sentiment de la réalité, elle le replaçait sur le lit pour l’en retirer encore et essayer de lui faire prendre un médicament. Enfin, après avoir épuisé les folies du désespoir maternel, elle resta muette, inerte, accroupie près du petit cadavre qu’elle avait déposé sur le tapis. On la releva et la Martille et la Mentillou l’emmenèrent dans sa chambre. Les deux femmes la mirent au lit et elle resta là, couchée sur le dos, les bras étendus en croix, les yeux clos, la tête noyée dans ses cheveux défaits, râlant.

De temps en temps, elle était comme secouée par une commotion brusque et puis retombait dans son immobilité. Par instants, de longs gémissements sortaient de sa poitrine, dont les funèbres modulations faisaient frissonner la Martille qui la veillait.

Elle resta trois jours ainsi, tant les sentiments avaient, dans cette organisation, une violente répercussion physique sur les sens. Puis, une après-midi, comme se réveillant d’un long sommeil, elle se tourna sur le côté, regarda longuement sa chambrière et lui dit, inconsciente du temps écoulé :

— Va le chercher, je veux le voir encore !

— Pauvre demoiselle ! il est à côté de votre défunt père, le pauvre petit ange ! Il y a de ça deux jours qu’on l’y a porté !

Le surlendemain, elle alla s’installer à Fontagnac, Guersac, où était mort cet enfant, son amour et son orgueil, lui était odieux en ce moment. À Fontagnac,