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votre chemin, le mortel fortuné qui fera refleurir votre cœur…

« Il se peut, reprit-il après une pause, il se peut que vous vous trompiez quelquefois, mais ne vous en désolez pas trop, c’est chose humaine que de se tromper. N’auriez-vous trouvé que quelques mois de félicité dans une liaison, que vous devez vous en réjouir. Ainsi faisait-on dans ce charmant dix-huitième siècle, tant calomnié par les folliculaires et les hypocrites de l’école anglaise. Le bonheur, voyez-vous, n’est pas tout d’une pièce. Ces haltes dans l’amour sont les étapes de la vie ; de l’une on gagne l’autre…

« Seulement, ma chère Valérie, attendez, avant de partir que je sois parti moi-même : je ne tarderai guère, où je me trompe fort… »

Et, en effet, quelques jours après ces propos, d’une morale talon rouge, M. de Lussac se sentit plus mal : la goutte remontait au cœur.

— Ma chère, dit-il à Mlle de La Ralphie qu’il avait mandée, appelez la Bersac, afin qu’elle aille quérir un prêtre. Ce n’est pas que je croie à la vertu de leurs patenôtres, mais je veux être enterré décemment, comme tous les Lussac, avec les cérémonies requises en tel cas. Seulement, ajouta-t-il, je ne veux pas de ce cafard de Turnac. Il y a son vicaire, un grand, gros, fort diable, qui, je crois, n’a pas volé le Saint-Esprit, comme on dit, mais qui me paraît rond en affaires : faites-le appeler, je vous prie.

Le vicaire vint une heure après. C’était une espèce d’hercule en soutane que la Bersac introduisit dans la chambre du commandeur. Assurément, si le mourant avait dû raconter toutes ses peccadilles, la confession eût été longue ; mais il se borna au strict nécessaire, de quoi l’abbé Sagnol se contenta aisément.