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maréchal des logis, un peu ému par des rasades répétées d’un bon petit vin blanc, cogna un grand coup de poing sur la table :

— Tonnerre de Dieu ! et c’est moi qui en suis la cause !

— Hé ! fit l’ancien sergent Tarrade, c’est le mauvais sort ! Que j’en ai vu tomber, des officiers et des hommes, en 1813 et 1814 ! Je vois encore Poniatowski sauter dans la rivière de Leipsick, avec son cheval blanc courtaudé et se noyer dans une eau sale, comme un chien qui a la pierre au cou. Moi, pauvre grenadier, alors, je m’en suis sorti, les culottes mouillées, c’est vrai, mais je m’en suis sorti ; et un maréchal de France, et tant d’autres qui avaient été cent fois au feu, y sont restés : c’est le sort, que voulez-vous !

Mlle de La Ralphie avait aussi voulu savoir, de La Douceur, la vie de Damase. C’était une existence bien simple, presque austère, que celle du lieutenant. En expédition, il vivait comme les autres officiers, excepté qu’il ne buvait pas d’absinthe. En garnison, il se levait de grand matin, et, lorsqu’il n’était pas de service, allait faire un tour à cheval. Une fois rentré, il lisait et travaillait jusqu’au déjeuner. Revenu de la pension, il faisait une heure de sieste et puis se remettait au travail. Le soir, après dîner, il se promenait quelque peu avec un autre officier, tranquille comme lui, et puis rentrait se coucher. Jamais de noces, comme quelques-uns, qui, des fois, chambardaient tout, la nuit, une fois allumés… et puis, on ne lui avait pas connu de femmes.

Lorsque La Douceur fut parti, généreusement récompensé, il sembla à Mlle de La Ralphie qu’un lien de plus se brisait de ceux qui l’avaient attachée à Damase. Ne pouvant plus interroger l’ordonnance