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lèvres comme des bords de pot de chambre, et la figure tailladée de cicatrices.

— Et tu n’en avais pas peur, Martille ?

— Ils ne sont pas méchants, répondait-elle avec un sourire, charmée de jouer un rôle.

Et puis, elle parlait de la faune du pays et décrivait à sa façon les chameaux, les lions, les panthères, les hyènes, les chacals, les gerboises… Et, lorsqu’elle affirmait qu’il y avait des espèces de lézards qui changeaient de couleur à volonté, tout le monde se récriait d’admiration. Mais ce qui excitait surtout l’intérêt des écoutants, c’était ce fait qu’elle avait rapporté à Guersac des bêtes enfermées dans des coquilles si dures qu’une charrette pouvait passer dessus sans les écraser…

Quelques personnes qui pouvaient se permettre cela, comme M. Boyssier et le docteur Bernadet, descendirent jusqu’à Guersac pour voir les tortues, et, un dimanche, cédant à des sollicitations générales, la Martille les apporta à Fontagnac, où leur exhibition excita la curiosité de toute la population.

La Douceur, qui passa une quinzaine de jours dans le pays, eut aussi sa part de succès ; seulement, sa grande barbe et son air rude imposaient aux gens. Il n’y avait guère que les anciens troupiers et le maréchal des logis de gendarmerie pour l’accoster et l’emmener à l’auberge ou au café. Mais, en ces occasions, ce n’était pas tant des singularités du pays d’Afrique qu’on l’entretenait que de la guerre qui s’y faisait. Les récits pittoresques du vieux soldat étaient écoutés avec intérêt par ses auditeurs et coupés de réflexions qui n’étaient pas celles de conscrits ; non.

Un soir que, pour la dixième fois, peut-être, La Douceur narrait la mort de son officier, le brave