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Le convoi passa par Miserghin, Bou-Thélis, contourna le Lac-Salé, vint à Aïn-Temouchen et le quatrième jour campa sur l’Oued-Isser, près d’une source thermale qui avoisinait un cimetière arabe.

Le site était superbe. De grands cèdres, des thuyas, des caroubiers, des sycomores, des oliviers au feuillage grisâtre ombrageaient la petite piscine et le cimetière. Au-dessus de cette masse de verdure, des palmiers élançaient leurs têtes grêles qui tranchaient sur le ciel bleu.

Valérie alla voir le cimetière. Là, point de tombeaux fastueux. Un petit espace entouré d’un cordon de pierres brutes où un simple monticule de terre relevée marquait les sépultures. Çà et là, sur les tombes, s’ouvraient les terriers de ces énormes rats qui pullulent dans les cimetières arabes, où ils dévorent les cadavres que l’on enterre sans cercueil. Une idée horrible lui vint et elle en fit part à La Douceur.

— Il n’y a point à craindre cela, dit-il. Nous l’avons mis dans une caisse solide en planches d’olivier franc qui est un bois très dur.

Le campement était établi sur les bords de la petite rivière qui coulait avec un léger bruit sur les cailloux. Le convoi était au centre, avec les ânes, les mulets et les chameaux ; autour, l’escorte. Le soir venu, les feux de bivouac encadraient le camp, et projetaient dans les grands arbres des lueurs tremblotantes qui se reflétaient dans l’eau. Une grande rumeur montait de cet amas d’hommes et de bêtes. Les ânes du convoi, bêtes incontinentes, brayaient avec fureur. Les chevaux, entravés aux cordes, hennissaient aux effluves des juments que la brise apportait des douars lointains, et, jaloux, se mordaient avec rage, malgré les cris des gardes d’écurie. Autour