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Et cette lettre ?… dit-elle enfin

— La voilà telle que je l’ai trouvée dans le tiroir.

Et le vieux soldat tira le pli cacheté de la poche intérieure de sa veste, où il était inséré dans son livret comme dans un portefeuille.

Elle l’ouvrit et lut :


« Ma chère Valérie, s’il m’arrive malheur, je veux que tu saches que je n’ai pas cessé de t’aimer comme autrefois. Je te pardonne ton dédain ; il m’a été très pénible, mais je n’en suis pas humilié, parce que je sens que je n’étais pas indigne de toi. Si nous étions nés dans la même condition, nous aurions pu être heureux : le sort en a décidé autrement. J’ai renoncé à toi pour rester digne de toi. Oublie ce que je t’ai dit à Hyères en te quittant et souviens-toi quelquefois du Pas-du-Chevalier. Lorsque mon fils pourra comprendre, parle-lui de moi. Je l’aurais bien aimé.

« Adieu éternel, ma bien chère Valérie. »


Le colonel revint, frappa légèrement à la porte et entra. Elle mit la lettre dans son corsage et se leva.

— Colonel, pourrais-je aller à Lalla-Maghnia ?

— Vous voulez aller là-bas ?… Cela se peut. Dans quelques jours, il partira un convoi pour ravitailler le poste. En attendant, La Douceur organisera votre équipage ; c’est un débrouillard… Vous montez à cheval ?… Alors, dit-il, sur sa réponse affirmative, vous pourrez monter « Kébir » ; c’est : un cheval de prise qui appartenait au lieutenant : si vous voulez, nous allons le voir.

Ils descendirent et La Douceur amena « Kébir ». C’était un beau cheval noir, à la longue crinière flottante et dont la queue balayait la terre. Il se campa sur ses jambes de cerf, hennit et secoua sa fine tête marquée d’une étoile blanche au front.