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bre ! Et combien cette simplicité militaire relevait ce grand cœur !

Au bout d’un moment, elle s’aperçut que La Douceur était toujours là, planté, son fez à la main, roulant discrètement une chique dans sa bouche.

— C’est vous qui étiez son ordonnance ?

— Oui, Madame ; depuis qu’il avait été nommé maréchal des logis.

— Et vous étiez là… lorsqu’il a été tué ?

— Bien sûr, que j’y étais. Je ne l’ai jamais quitté. Je m’en vas vous dire comment c’est arrivé.

« Pour lors, nous étions partis de La Maghnia à la pointe du jour, rapport à ces sacrés Beni-Snassen qui voulaient razzier les douars soumis. Sur les onze heures, nous trouvons une centaine de ces sales arbis qui viennent faire quelque peu de fantaisie devant le peloton et nous envoient quelques coups de moukala. Nous n’étions que vingt-huit hommes avec le trompette, mais tous de vieux lascars ; c’était plus qu’il ne fallait pour sabrer cette vermine ; mais les bougres ne se laissaient pas joindre. Le lieutenant nous fait déployer en tirailleurs la moitié du peloton, histoire de les amuser et de tâcher de les arquepincer au demi-cercle avec l’autre moitié. Nous en descendons quelques-uns à coups de flingot, toujours avançant. Nous étions, pour lors, dans une petite plaine d’alfa et de palmiers nains où il y avait, sur le bord, des fourrés de grandes touffes de lentisques. Le lieutenant allait, deçà delà, sur la ligne des tirailleurs, comme qui se promène, car il voyait bien que ça n’était rien. À un moment, comme il était tout à fait sur la gauche, il s’en va roide au galop sur un grand buisson large comme une tente d’arbi. Sans doute, il avait vu remuer le gredin qui était caché là, et il y allait tout seul, brave comme un homme qui