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chargés de barillets d’eau, passait au trot, pressée par des Espagnols en chemise de couleur, en pantalon collant, les reins sanglés d’une ceinture rouge, la tête enveloppée d’un mouchoir sur lequel était posé un petit chapeau à bords étroits ; et les cris : Guarda ! guarda ! faisaient s’écarter cette foule bigarrée.

La chaleur du jour commençait à tomber. Quelques rares femmes se montraient : Juives au corsage brodé d’or ; Mauresques voilées, en pantoufles jaunes avec des bracelets à leurs chevilles nues ; Espagnoles avec la mantille de dentelle sur la tête ou un simple foulard ; Françaises, semblables à une gravure de modes vieille de dix ans.

Valérie regardait tout cela sans s’y intéresser ; puis, ce mouvement incessant, ce bariolage de couleurs, ce débordement de vie la fatiguèrent ; elle alla se jeter sur un lit de repos et songea à celui qui dormait là-bas, à la frontière, sous la terre brûlée par le soleil.

Le colonel vint le lendemain. C’était un beau vieux troupier de fière prestance dans son uniforme élégant. Ses cheveux, coupés ras, sa longue barbiche blanche en fer à cheval s’harmonisaient bien avec sa figure énergique, aux tons de brique trop cuite. Avec une concision militaire empreinte d’une réelle courtoisie, il fit connaître à Valérie les circonstances de la mort de Damase et finit par son éloge : « C’était un soldat brave comme une épée, un officier d’avenir, un caractère loyal et un cœur d’or. »

Puis il la mena au pavillon des officiers du régiment attenant au quartier de la Mosquée. Sur son ordre, l’adjudant de semaine envoya chercher La Douceur. Le vieux chasseur se campa, les talons sur la même ligne, la main gauche sur le liseré de son