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tout entière. Au lieu de l’amant plein de vie et d’amour que, quelques jours auparavant, elle avait espéré revoir, il n’y avait plus qu’un cadavre enseveli sous cette terre d’Afrique, « tombeau des Français », comme disait la pauvre Liette, d’après son oncle Séverin.

Lorsque le bateau fut en vue d’Oran, elle contempla silencieusement la côte, morne et désolée, qui s’étend de la pointe d’Arzew au cap Figolo. Au milieu, sur les deux déchirures d’un ravin profond descendant vers la mer, les maisons arabes et mauresques, à toits plats en terrasse, semblables à d’énormes cubes de pierres, blanchis à la chaux, brillaient au soleil. Çà et là, parmi les maisons, quelques palmiers et des caroubiers au feuillage sombre se dressaient isolés. Les coupoles des mosquées s’élevaient au-dessus des terrasses et les minarets élégants s’élançaient grêles dans le ciel d’un bleu cru avec leurs revêtements de briques vernissées. Plus haut, à gauche le Château-Neuf, résidence du gouverneur de la province. À droite, se perdant au ciel, le vieux fort espagnol de Santa-Croce, campé à l’extrémité d’un dernier contrefort de l’Atlas, dominait la ville et la mer. Au dessous, à mi-côte, un fort moderne montrait ses lignes régulières où apparaissait la gueule des canons ; plus bas, les ruines de la vieille kasbah.

En dehors des murs de la ville, c’était, d’un côté, l’immense rade de Mers-el-Kébir, et, de l’autre, à gauche, sur la falaise proche de la ville, les ruines de la Batterie espagnole. Au delà, vers Arzew, la Montagne des Lions dressait dans l’azur son grand mamelon chauve, au-dessus duquel des vautours, en quête de charogne, décrivaient pesamment leur vol concentrique.