Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mme  Vital et épuiser les délices de l’amour partagé, ou rester Mlle  de La Ralphie et vivre rongée par les fièvres de l’amour inassouvi.

Le commandeur était trop perspicace pour ne pas deviner la cause des agitations de Valérie ; seulement, il n’en pouvait mais. Par tout ce qu’il savait des amours légers et frivoles d’autrefois, il jugeait qu’une nouvelle passion pouvait seule rendre le bonheur à sa jeune hôtesse. Il discernait bien, d’ailleurs, ce qui la différenciait des grandes dames du siècle passé dont il narrait si agréablement les exploits galants. Tandis que chez celles-ci le libertinage procédait le plus souvent du cerveau, d’une curiosité malsaine, d’une perversité blasée, d’une dépravation d’esprit poussée à ses dernières limites, Valérie, elle, était mue par une fatalité physique qui lui rendait le plaisir aussi nécessaire que le boire et le manger. C’était une faim à calmer comme l’autre, et, si cette diète continuait, à défaut de l’amour idéal qu’elle avait eu le bonheur de rencontrer en sa prime jeunesse, un rustre quelconque, dans une surprise des sens, pouvait le remplacer ; comme on mange du pain d’orge, à défaut de choine… « Ce serait dommage », pensait-il.

Mlle  de La Ralphie vécut quelque temps dans cet état d’agitation fiévreuse, luttant contre les exigences de son malheureux tempérament et s’efforçant d’étouffer ses appétences sous l’orgueil de race. Sa santé se ressentit de ces troubles ; elle maigrit et son bel appétit de jadis disparut. Elle ne dormait plus ; des migraines violentes la torturaient ; des idées incohérentes lui sourdaient ; elle se sentit vaincue. Oh ! non pas jusqu’à oublier ce qu’elle devait aux La Ralphie ses ancêtres ! non : mais elle pardonnait les froissements douloureux de son orgueil blessé,