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rendait compte de cela avec une certaine appréhension et comprenait instinctivement que les affections du cœur étaient trop faibles en elle pour maîtriser les désirs. Ce que Mme  Laugerie avait exprimé brutalement était vrai au fond ; la seule chose qui pût la retenir était l’orgueil ; mais l’orgueil s’accommode parfois des hontes secrètes.

Alors, quoi ? Qu’arriverait-il si la situation présente s’éternisait ? Puisqu’elle était incapable de renoncer à l’amour, qui était un besoin irrésistible de sa nature, que ferait-elle ? De nouvelles liaisons lui feraient-elle oublier l’ancienne ? Non, cela était impossible. Le peu d’affection sentimentale dont elle fut capable, était pour jamais acquis à Damase, son amant d’élection. Elle s’avouait qu’il l’avait quelque peu élevée, qu’il avait anobli leur liaison en l’imprégnant de son affection profonde et dévouée. Grâce à lui, elle avait connu ces caresses d’âme, cette tendresse du cœur qui sont inséparables du véritable amour ; et, quoiqu’elle ne les appréciât pas à leur valeur, elle en soupçonnait le prix. Après lui, il n’y avait que le commerce des sens, un pur libertinage. Et puis, qu’arriverait-il si, cédant à un de ces entraînements que l’ardeur héréditaire du sang qui coulait dans ses veines rendait possible et même probables, elle tombait sur un vulgaire drôle ? S’encanaillerait-elle en amour, comme son bisaïeul Louis XV ?

Et alors, les paroles de Damase lui revenaient à l’esprit :

« Peut-être un jour tomberas-tu plus bas que le sous-lieutenant Vital ! »

Le temps passait et elle flottait, irrésolue, entre des déterminations extrêmes. Dans l’insomnie de ses nuits enfiévrées, il lui semblait facile de céder :