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Valérie sourit, flattée. Elle comprenait bien que, dans la pensée de Mme Boyssier, ces paroles se complétaient par celle-ci : « D’un tel père ! » Mais cela n’avait plus d’importance.

Dans une occasion semblable, pendant que la nourrice promenait le petit dans le jardin et qu’à l’étude on préparait un acte, Mme Boyssier, seule avec Valérie, s’enhardit à parler de Damase. La noblesse de ses sentiments, la sincérité de son dévouement, l’amour désintéressé désormais qui brûlait dans ce cœur généreux frappèrent celle-ci, qui s’en alla songeuse sur ces dernières paroles de la femme du notaire :

— Quel bonheur d’être son bon ange ! de se sacrifier pour lui !

C’était donc vrai ! Il y avait autre chose que l’amour heureux, nourri de voluptés ; d’autres marques d’affection que l’effervescence des sens. Liette avait aimé dans le silence, sans espoir ; elle avait gardé son secret dans son cœur jusqu’au dernier moment ; elle était morte sans regretter autre chose que son amour même, sans aucune préoccupation charnelle. Et voici maintenant que celle qui, naguère, brûlait de tous les feux de la passion terrestre, avait renoncé aux joies de l’amour partagé, pour ne garder dans son cœur qu’une adoration épurée pour cet amant dont elle ne se sentait plus digne physiquement.

Il fallait bien qu’il en fût ainsi, qu’il y eût autre chose que le plaisir, puisque la vierge ingénue et l’épouse coupable se rencontraient dans les mêmes sentiments d’abnégation et de sacrifice. Sans doute, ces natures tendres étaient aussi plus froides, car elle, dont le sang bouillait, incapable de ce renoncement, sentait la séparation lui peser et résistait avec peine à la sollicitation de ses sens. Valérie se