Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Se donner ! Voilà justement ce qui la révoltait. Être la chose d’un homme, obéir à ses caprices, se plier à ses désirs, chercher à lire sa volonté dans ses yeux comme un chien familier ; non, jamais, jamais ! Et puis, la violence de ses sensations lui faisait illusion : non, il n’était pas possible que des sentiments tendres, des rêves du cerveau, des extases du cœur pussent dépasser en intensité ses ravissements physiques.

À l’égard de la dernière volonté de Liette, Valérie n’hésita pas. Sa droiture naturelle et sa franchise l’emportaient sans effort en toute occasion sur son intérêt personnel. D’ailleurs, elle eût envisagé, sans aucune appréhension, la révélation de cet amour du vivant de son amie, tant il lui paraissait pâle à côté du sien : maintenant qu’il n’était plus qu’un sentiment posthume, ce n’était rien. Il lui semblait que Damase voulu, aimé, possédé par elle, lui appartenait sans contestation possible et qu’il était comme marqué par ses morsures.

Et le petit cahier, déposé à la poste, s’en fut trouver Damase à Mascara.

En recevant cet envoi, qu’aucune lettre n’accompagnait, le jeune officier éprouva une sincère émotion. Cet amour pur, naïf, croyant, contrastait tellement avec celui de Valérie, que le parallèle se faisait naturellement dans son esprit. Le bonheur était là, sans doute, caché dans ce cœur de jeune fille, bonne, aimante, dévouée. Celle-là comprenait l’amour ainsi que lui-même, comme un perpétuel sacrifice et une étroite union de l’âme et du corps avec l’être aimé.

Mais, pourtant, il le sentait, ce bonheur eût-il été là, sous sa main ; cette jeune fille, couchée dans son cercueil, eût-elle été debout, parée de sa jeunesse