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une femme qui faisait la conduite au garçon… Et cette femme n’était pas la Martille, vu qu’elle avait bien cinq ou six pouces de plus que la chambrière, et avec ça plus de corporance dans la poitrine et partout, ce qui ne pouvait que se rapporter à la demoiselle de Guersac… »

Il était minuit passé, lorsque La Loutre eut achevé de se confesser, car il fallut trinquer souvent pour l’encourager. Les autres le ramenèrent chez lui et cognèrent ferme à l’huis.

La Jeanne se leva et vint ouvrir, pieds nus et en chemise :

— Te voilà ton homme, dirent-ils en riant.

Et ils la laissèrent se débarbouiller avec La Loutre, cramponné à la poignée du loquet.

— Ah ! foutu por ! fit-elle

Le lendemain, à neuf heures, toute la ville savait que le père du petit Gérard était décidément le sous-lieutenant Vital. En général, on en fut fâché. Les Decoureau, que la déconvenue matrimoniale d’Anatole avait irrités, et, à leur suite, tous leurs adhérents, eussent été bien aises que le séducteur fût quelque rustre obscur, comme il arrive parfois ; un de ces individus qu’on ne peut avouer sans s’accuser en même temps de goûts bas et vils.

D’autre part, Damase, par sa conduite lors de la mort du vieux Latheulade, s’était attiré la haine des dévots. En outre, les bourgeois étaient jaloux de ses succès militaires. C’était plus qu’il n’en fallait pour affiler les langues de l’endroit. De quinze jours on ne parla que de cela, et les commentaires méchants et les suppositions fielleuses ne tarissaient pas. Le principal thème de ces commérages empoisonnés, celui sur lequel on brodait de vingt manières, c’était l’origine de Damase, enfant trouvé, et puis son an-