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gendarmerie, puis allait se coucher bourgeoisement à neuf heures, le couvre-feu sonnant. Pourtant, comme le disaient judicieusement les curieux, prêts à jeter leur langue aux chiens, il fallait bien que ce fût quelqu’un !

— Ces choses ne se font plus par l’opération du Saint-Esprit ! dit en petit comité le maire voltairien. Le brave Mentillou, lorsqu’il venait aux provisions à Fontagnac, subissait des interrogatoires en règle chez le boucher et chez l’épicier. Mais c’était un mâtin, boutonné jusqu’au col, qui riait et faisait l’imbécile lorsqu’on lui parlait de ça. Le petit Farou, qui avait au-dessus de sa porte une branche de pin ornée de rubans rouges et blancs qui flottaient au vent, le petit Farou et d’autres lui avaient bien fait quelques politesses intéressées, mais inutilement. Cela devenait embêtant pour les naturels de Fontagnac, qui n’étaient pas loin de considérer ce mystère persistant comme une injure personnelle à chacun et à tous.

Enfin, comme il n’est pas de secret que la curiosité d’une petite ville pleine d’oisifs ne finisse par percer, la chose se sut.

Il y avait lors, à Fontagnac, un pêcheur appelé « La Loutre ». D’où lui venait ce sobriquet ? On en disputait dans le pays, depuis de longues années. Les bons esprits pensaient qu’il le devait à son habileté professionnelle, car c’était un grand destructeur de poisson ; mais les « gens de travers », comme on dit, les grincheux, qui ne sont jamais de l’avis des autres, soutenaient fort et ferme que ce surnom lui venait d’une casquette faite de la peau d’une loutre capturée par lui jadis ; casquette superbe autrefois, actuellement quelque peu dépouillée de son poil, mais qui continuait à abriter son chef de paysan narquois. Quoi qu’il en soit, La Loutre était un amateur con-