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Le commandeur resta pensif un instant en pensant à cet officier de fortune, à ce roturier sans naissance et sans famille qui préférait renoncer à celle qu’il aimait plutôt que la posséder dans des conditions indignes d’elle et de lui. Dans son esprit un peu frivole, cette figure énergique et fière contrastait violemment avec les héros des amours légers du siècle passé.

— Singulière chose ! dit-il enfin. Jadis, un cadet de notre famille, pauvre, recevait sans scrupule d’une grande dame, sa maîtresse, les moyens de lui faire honneur dans le monde. Aujourd’hui, un officier réduit à sa solde ne veut pas être l’amant avoué ou clandestin d’une fille noble et riche, de peur qu’on ne le soupçonne d’une collusion d’intérêts. C’est peut-être pousser un peu loin la délicatesse ; mais il faut bien reconnaître qu’indépendamment de ces sentiments intimes, au seul point de vue des mœurs puritaines du siècle, — puritaines d’apparence seulement, — il a raison.

Valérie, sombre, les dents serrées, les yeux fixés sur la table, se taisait.

— Il ne faut pas vous désoler ma chère enfant, reprit M. de Lussac. Cette rupture n’est sans doute pas définitive.

Elle hocha la tête dubitativement.

— Il ne cédera pas plus que moi ! dit-elle.

Peu après, ils repartirent pour Guersac.

L’arrivée de Mlle  de La Ralphie avec une nourrice et un enfant fut un grand événement pour la villette de Fontagnac. Quelques-uns attribuèrent au commandeur l’honneur de la paternité. Il était gris de poil, mais, comme le disait Mme  Laugerie, femme d’expérience, « il y a de ces vieux grisons qui sont encore solides ». Par exemple, dans cette hypothèse, on ne