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ce qu’il avait craint, tu es bien la digne fille des nobles dames du siècle dernier, de ces « citadines », de ces « valétudinaires » qui, trouvant que leurs seigneurs et maîtres, épuisés par les filles, manquaient d’énergie, recherchaient dans le peuple des mâles vigoureux. Comme elles, tu courras après le plaisir ; quant à l’amour, tu es condamnée à l’ignorer, car, je le reconnais trop tard, tu n’as que des sens et point de cœur. Adieu ! peut-être un jour, vieillie et toujours avide de jouissances, tomberas-tu plus bas que le sous-lieutenant Vital !

Il avait la tête haute, le regard triste, la voix grave. Sur sa figure énergique et douce à la fois se reflétait, comme un miroir, la noblesse de ses sentiments. Soulevée par la passion, elle oublia tout et s’élança pour le retenir ; mais il l’arrêta du geste et sortit. Dans la cour, la nourrice promenait l’enfant. Damase le prit et l’embrassa à plusieurs reprises avec attendrissement. Puis, il le remit à la Provençale et descendit le coteau où les pierres roulaient sous ses pas.

À Hyères, il entra dans un café attendre le passage de la voiture et écrivit à M. de Lussac pour s’excuser de n’avoir pas pris congé de lui. À Marseille, il dut attendre toute une mortelle journée avant de s’embarquer et erra par la ville et au bord de la mer, ressassant ses pensées. Il lui semblait qu’une lumière s’était éteinte en lui ; il n’apercevait plus le but de sa vie. Quoi qu’il pût faire désormais, tout serait inutile pour son bonheur, il le sentait. Et il remontait à ces temps heureux où, adolescent, ignorant et naïf, il avait voué à la fillette qu’il accompagnait à l’école du Prieuré ces sentiments de pure et sereine adoration qui la divinisaient dans son cœur. Mais que la réalité présente était loin des rêves d’autrefois ! Ah ! combien il déplorait de n’avoir pas