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sur la mer. En avant de la passerelle, les soldats chantaient le chœur des exilés :

Vers les rives de France,
Voguons en chantant,
Oui, voguons doucement…
...........

Et, un zouave à la figure tannée, campé sur une canne en nervure de feuille de palmier, un caméléon sur l’épaule, reprenait seul, d’une voix chaude et vibrante

Loin de toi, Patrie,
Mère bien chérie,
D’un exil amer,
Nous avons souffert.
........

Ce chant médiocre qui, braillé dans un cabaret, eût été vulgaire et trivial, empruntait quelque chose à la poésie du milieu. Sur ce bateau, qui glissait à la surface de la mer bleue, à la chute du jour, enveloppé d’un beau coucher de soleil, il s’harmonisait bien avec les sentiments des passagers militaires, gens simples et rudes dont la plupart avaient quitté la France depuis des années et ressentaient une secrète émotion à la pensée de la famille et du village natal.

Une heure après, le bateau accostait le quai du vieux port.

Le lendemain, dans l’après-midi, Damase gravissait le chemin poussiéreux qui, en serpentant à travers les oliviers, menait à la villa habitée par la Mlle  de La Ralphie. Sur le seuil, ombragé d’un grenadier, une brune nourrice tenait dans ses bras un superbe