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sèquent moralement l’objet de leur amour et l’observent jusque dans les mouvements tumultueux de la passion. S’il eût été moins amoureux, peut-être eût-il entrevu ce qui était la vérité, que la passion de Valérie pour lui était surtout physique ; qu’elle l’aimait avec toute l’ardeur de son tempérament ; qu’elle se sentait invinciblement entraînée vers lui sans que le cœur eût beaucoup de part. Mais il aimait naïvement, le brave garçon, il s’était donné depuis longtemps, corps et âme, et ne songeait pas à toutes ces distinctions. Et puis, il faut le dire, l’amour de Valérie avait, dans le délire des sens, de ces effusions tendres, capables de faire illusion à un amant plus expérimenté que lui. Un point sur lequel il voyait juste, c’était qu’entre un soldat de l’armée d’Afrique et une demoiselle vivant dans son château, à sept ou huit cents lieues de distance et séparés par la mer, l’amour ne pouvait être qu’un épisode passager, qu’une aventure galante destinée à l’oubli qu’amènent fatalement l’absence et l’éloignement. Et cela le poignait, le pauvre amoureux qui eût supporté dignement les amertumes d’un amour sans espoir, mais qui ne voulait pas renoncer aux joies de l’amour heureux qu’il avait connues. Aussi, repris du besoin d’espérer, se disait-il que s’il portait cette épaulette qui peut mener aux sommets de la hiérarchie militaire, peut-être l’orgueil nobiliaire de sa maîtresse fléchirait-il, et, sur cet espoir incertain, ou plutôt sur cette illusion volontaire, le maréchal des logis Vital se promettait bien, à la première affaire, d’enlever cet insigne envié ou d’y laisser sa peau.

Après des razzias et des escarmouches sans importance, la colonne commandée par l’ancien caporal d’Austerlitz se trouva, le 14 août 1844, en présence