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venue par lui au moment de son départ pour l’expédition commandée par le maréchal Bugeaud, expédition qui devait se terminer par la bataille d’Isly.

Pendant un mois, la colonne manœuvra sur la frontière du Maroc, dans les environs d’Oudjda, sur le cours de l’oued-Isly et de la haute Mouilah, faisant des pointes dans différentes directions, châtiant les tribus du Riff, soulevées par Abd-el-Kader, et observant l’armée marocaine qui s’était avancée sur notre territoire. Tout en chevauchant dans ces plaines couvertes de lentisques, d’alfa et de palmiers nains, le maréchal des logis Vital pensait à Valérie et à son enfant. Ah ! combien il enviait en ce moment ceux de ses camarades qui avaient un nom assez noble pour s’offrir à une femme aimée, fière du sien. Mais lui se nommait Vital, parce que c’était le 27 novembre qu’il avait été trouvé sous le porche de l’église de Fontagnac, comme il se serait nommé Lin, s’il eût été exposé le 26 ; et Damase, de son nom de baptême, parce que son parrain était originaire de Saint-Gassien, où ils sont tous prénommés ainsi. Il avait beau tourner et ressasser ces choses : dans son esprit, toujours il se heurtait à des impossibilités. Il le savait, l’égalité naturelle que Mlle  de La Ralphie admettait entre elle et lui, tous deux jeunes et beaux, et toutes les effusions de l’amour et ses folies, n’allaient pas jusqu’à lui faire admettre l’égalité sociale entre une fille de noble race et un roturier inconnu. Cela lui semblait étrange ; il ne pouvait comprendre que l’orgueil nobiliaire et les préjugés de caste pussent étouffer ainsi les sentiments naturels, et il se prenait à douter de l’amour de Valérie.

C’était une nature droite, loyale, toute d’une pièce, ce vaillant Damase ; il n’était pas de ceux qui dis-