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Quelques mois se passèrent, Valérie avait repris sa figure ordinaire, son appétit était revenu, en sorte que les vagues soupçons du commandeur s’étaient, dissipés. Un soir, au coin de feu, Mlle de La Ralphie, qui, quoique sûre de son état, se laissait aller à une sereine insouciance, fut rappelée à la réalité par ce premier mouvement de l’enfant qui fait tressaillir les jeunes mères, et elle sentit la nécessité de prendre une détermination. La vulgaire prudence conseillait de s’en aller dans une grande ville, au loin, mais son caractère altier la portait à rester à Guersac et à braver les commérages des gens de Fontagnac. Le soir, en la déshabillant, la Martille lui dit :

— Si Mademoiselle me permet de le lui dire, à sa place je consulterais M. de Lussac ; c’est un homme qui connaît la vie et saura la conseiller.

— Tu as peut-être raison.

Le lendemain elle se confessa au vieux gentilhomme et lui dit brièvement tout, depuis l’origine de son amour pour Damase, jusqu’à ces nuits fortunées dont le souvenir la troublait encore, et enfin à son état présent.

C’était un confesseur indulgent, que M. de Lussac. Il connaissait tant d’aventures galantes, il avait vu dans son monde tant de liaisons irrégulières dont le dénouement avait été semblable, qu’il considérait comme une sorte de privilège de caste cette liberté dans les amours dont la haute société du dix-huitième siècle avait donné l’exemple. Il ne s’effaroucha donc pas de la confidence de Valérie, et, même, tandis qu’elle parlait, il se rappelait avec complaisance la perspicacité de ses soupçons premiers. Il plaignit sa jeune amie, non pas d’avoir aimé, mais de son inexpérience, et il eut un blâme discret pour Damase, qui, comme tout galant homme, eût dû éviter ce désa-