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Cela dura quinze jours ainsi. Le matin, avant l’aube, Damase s’arrachait à grand’peine des bras de son insatiable maîtresse et revenait à Fontagnac à travers champs. Puis, un soir, il annonça son départ ; son congé allait expirer, il n’avait que juste le temps d’arriver à Marecille pour le départ du courrier d’Oran.

Elle s’exclama en oyant cette nouvelle.

— Quoi ! Tu vas me quitter déjà ! Ne peux-tu demander une prolongation de congé ? Certainement, on ne te la refuserait pas… Tu n’as qu’à dire que tu n’es pas complètement guéri…

— Oui, mais je mentirais, ma chérie.

— Ah ! Je le vois bien, dit-elle, affolée, tu ne m’aimes pas !

— Ma toute chère, dit-il en la prenant dans ses bras, tu sais bien le contraire… Je t’aime plus que ma vie… Je t’aime tellement que je veux rester digne de toi, et même, si je le puis, faire honneur à Mlle de La Ralphie.

Dans une accalmie de passion, elle l’approuva, car si elle se laissait facilement emporter à la tyrannie des sens, sa noblesse de sentiments était réelle.

Le matin, après cette nuit passée dans les fièvres de l’amour et les regrets de la séparation, elle l’accompagna jusqu’à la porte de sortie du petit parc. Là, ils s’étreignirent désespérément, les yeux brillants, le cœur soulevé. Puis elle s’arracha brusquement des bras de son amant.

— Va-t’en, lui dit-elle, je ne te laisserais pas partir !

Et elle rentra, se mit au lit et s’ensevelit sous les couvertures.

Le soir, elle se leva, pâle, les yeux cernés, se mit à table, mangea peu et alla se recoucher.