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te donne la liberté, quoiqu’il m’en coûte fort, à la condition que tu reviendras ce soir : tu passeras par le petit parc ; la porte sera ouverte, je t’attendrai…

Damase sortit sans être vu et chemina lentement, comme un promeneur oisif. Il était sous l’accablement du bonheur qui l’écrasait, tant il était inespéré.

Pourtant, il ressentait quelque chose comme un remords, le loyal garçon ; il se disait qu’il aurait dû éviter ces situations dangereuses qui n’ont qu’une issue et préserver Valérie de ses propres entraînements. Oui, mais il était jeune, passionnément amoureux lui-même. Et puis, comment résister à ces gracieuses chatteries qui avaient tant de charme dans cette fille si fière, ou à cet emportement de passion qui l’avait jetée dans ses bras ?

Le chemin pierreux suivait le bas des coteaux qui, aux abords de Fontagnac, se rapprochent de la rivière et venait passer sous la terrasse du jardin du notaire. Arrivé à cet endroit sans s’en douter, Damase s’entendit appeler d’une voix étouffée. Il leva la tête ; c’était Mme  Boyssier. La pauvre femme n’était plus que l’ombre d’elle-même ; la dernière floraison de sa beauté avait disparu ; il ne restait plus qu’une femme sur le retour, flétrie par l’âge et le chagrin. Ils s’entretinrent un instant à voix basse ; elle était avide de savoir tout ce qui le concernait, et ses questions se succédaient rapides. En lui parlant de ses blessures, sa voix tremblait et les larmes coulaient de ses yeux. Damase fut ému et, se haussant, il lui prit la main dans l’ombre et la baisa.

— Mon cher enfant, dit-elle, désormais mon seul bonheur sera de te savoir heureux… Va-t’en, adieu ! ajouta-t-elle rapidement en entendant ouvrir la porte du jardin.

Après avoir soupé, Damase alla au Café de la