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Le lendemain, Damase descendait lentement le long de la rivière en suivant le marchepied, ramassant ses pensées. [Il avait hâte et appréhension à la fois d’arriver à Guersac. Quel accueil allait lui faire Mlle  de La Ralphie ? Faurille ne s’était-elle pas méprise ? Ne s’était-elle pas exagéré une de ces marques d’intérêt banales qu’à la campagne on donne à tous, même aux plus humbles ?

— Mademoiselle, il y a en bas un militaire décoré.

Valérie éprouva une violente commotion et se leva :

— Fais-le monter, dit-elle, sans laisser achever la Martille.

En voyant Damase, un flot de sang lui monta au visage, et, sans se soucier de sa soubrette qui fermait lentement la porte, elle s’avança, les yeux brillants, les narines gonflées, et, le prenant par la main, le fit asseoir près d’elle, sur un canapé.

— C’est donc toi !

La beauté mâle de Damase la fascinait. Ses cheveux fauves, coupés court, faisaient cinq pointes sur son large front, comme un casque mauresque doré. Une fine moustache ombrageait sa lèvre et virilisait un peu l’expression de sa bouche où rayonnait la bonté. Dans ses yeux noirs et grands ouverts comme ceux de l’homme qui n’a rien à cacher, elle plongeait avidement les siens et se sentait envahir par une sorte d’invincible ivresse.

Tous deux restèrent muets, un instant, la gorge serrée par l’émotion ; elle lui tenant toujours la main et le regardant.

— Et tu es bien guéri, maintenant ?

— Oui, Mademoiselle…

— Oh ! interrompit-elle, Mademoiselle, c’est bien cérémonieux !