Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tagnac. Après avoir constaté que son écuyer ne serait pas sur pied de quelque temps et l’avoir consolé un peu distraitement, elle se remit seule en selle au moyen de la pierre montoire de la porte et repartit. Mais, en passant devant la maison du défunt Caïus, « hardie comme un page », selon l’expression du pays, et avec cette noble assurance d’une fille de race qui se sent au-dessus des commentaires du vulgaire, elle arrêta sa jument et appela :

— Avez-vous des nouvelles de Damage, Faurille ?

— Oui, demoiselle, je vous remercie ; il est guéri tout à fait, maintenant, et il viendra un de ces jours.

— Ah !… Eh bien ! vous lui direz que j’espère qu’il ne repartira pas sans venir à Guersac… n’est-ce pas ?

— Je n’y manquerai pas, demoiselle, merci bien.

— Adieu, Faurille.

Et, tranquillement, Valérie continua sa route au petit pas, sans se soucier de quelques oisifs, arrêtés sur le pont, qui avaient remarqué ce colloque et se travaillaient pour en deviner l’objet.

Lorsqu’en arrivant, quelques jours après, Damase apprit la démarche de Mlle  de La Ralphie, il éprouva une émotion profonde. Pour qu’elle eût ainsi agi, il fallait qu’elle l’aimât… Était-ce possible ? Quelque peu vain qu’il fut, il se disait que, peut-être, elle avait été touchée par cet amour humble et désintéressé qui datait de loin et ne craignait pas de lui laisser deviner qu’elle n’était pas insensible à cette affection cachée aux yeux de tous. Et alors il se ressouvenait de ce battement de paupières qu’il avait presque interprété comme un aveu… et qui n’était peut-être qu’un adieu.

D’ailleurs, en supposant qu’il ne se trompât pas, qu’elle ne fût pas indifférente aux sentiments qu’il lui avait voués, à quoi cela pourrait-il aboutir ? Il