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— Elle va se tuer, la demoiselle, pour sûr.

Souvent, lorsque le commandeur tendait la main à son petit pied cambré, pour l’aider à se mettre en selle, ou lorsqu’il lui faisait face à table, racontant quelque histoire d’autrefois, elle le regardait fixement d’un air étrange, sans le voir, aveuglée par la vision interne d’un être jeune et beau qui se substituait à son vieux Sigisbée.

— Mademoiselle devrait se marier, lui dit un soir, en la déshabillant, sa soubrette, fine mouche qui voyait la situation de sa maîtresse et dont Valérie tolérait parfois les bavardages ; M. de Lussac est galant au possible, mais il ne peut remplacer un jeune mari.

— Laisse donc, je ne veux pas me donner un maître.

— Oh ! Mademoiselle est de celles qui commandent à leur mari comme Mme la comtesse de Pardis, chez qui j’étais à Périgueux.

— Il faut tant de conditions réunies, la noblesse, la personne, l’esprit, la fortune et l’amour, qu’il est difficile de se marier dans notre monde, vois-tu, Martille !

— Mademoiselle m’excusera, si je lui dis qu’à ce compte, les demoiselles du monde ne se marieraient pas… Mais, ce qu’on ne trouve pas réuni en une seule personne…

— On le trouve en deux ?

— Oui, mademoiselle… ou en trois.

Valérie sourit, et, la Martille, encouragée, poursuivit :

— Mademoiselle peut m’en croire, toutes ces dames en étaient-là, bourgeoises et nobles : Mme Saint-Chapy, Mme de la Licoyne, Mme Gentil de Pradères, Mme la marquise de Boisgauberte,