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— Cela se peut fort bien, répondit le commandeur. Mais, quant à ce qui est de l’accession à la noblesse, si elle n’est plus possible, c’est la faute des idées philosophiques et révolutionnaires, que, dans son imprudence, la noblesse a tant contribué à répandre. Autrefois ce garçon eût fait souche de nobles. Combien de familles n’ont pas d’autres origines qu’un obscur aventurier d’épée sorti de la foule à force de valeur et de courage ! Jean du Jarry, votre ancêtre, était un soldat de fortune, fait sergent d’armes, à qui Henri d’Albret donna le petit fief de La Ralphie en récompenses de ses bons services.

Valérie se tut ; elle ne goûtait pas beaucoup ces faits généalogiques précis et clairs ; elle eût préféré que l’origine de sa famille sortît vague et incertaine de cette nuit des temps si commode et si flatteuse pour l’orgueil nobiliaire.

— Oui, reprit le commandeur, comment s’étonner que la noblesse périsse ? Autrefois, elle se revivifiait par l’admission dans son sein des roturiers de valeur ; mais, depuis qu’on a vendu des lettres de noblesse à vil prix, la décadence a commencé. Et ce ne sont pas les choix de l’homme au parapluie qui relèveront l’ordre : il ne nomme que des pieds-plats, des bonnetiers enrichis, des marchands de vins qui mettent leur titre sur leur facture !

Quelques mois se passèrent pendant lesquels la passion de Valérie grandit et se développa. Ce qui n’était auparavant qu’une disposition intime, une attraction des sens, devint un désir violent, un entraînement tumultueux. Elle n’était pas de ces femmes vaporeuses et romantiques, pour qui l’amour n’est qu’un cantique du cœur, un besoin de l’imagination ; qui se contentent de rêveries solitaires, d’effusions poétiques, d’étoiles contemplées à deux, et pour les-