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à parer, et, enfin, fonça sur lui d’un coup de pointe qui devait l’embrocher. Heureusement, le jeune homme voyant qu’il n’arrivait pas à temps à la parade, fit un bond de côté et en fut quitte pour une éraflure au flanc, tandis que son sabre s’abattait sur l’avant-bras de La Douceur auquel il fit une légère entaille :

— Te voilà un quatrième chevron !

— C’est assez ! dit le brigadier, le « bleu » s’est bien conduit. Allons, donnez-vous la main.

— Sans rancune, fit Damase.

L’autre grogna quelque chose, assez embêté ; mais il céda au brigadier et à ses camarades et donna la main. Puis l’on rentra au quartier et il fallut arroser la réconciliation. Pour ce faire, l’homme de corvée de chambre alla faire remplir, derechef, les peaux de bouc.

— Il vous faudra porter vos sabres chez le maître armurier, dit le brigadier en examinant les lames ébréchées ; vous vous en êtes foutus chacun pour vingt-sept sous et demi sur votre masse.

Après avoir conquis l’estime de ses camarades par sa ferme attitude, Damase gagna leur amitié par son caractère franc et loyal. Ces hommes frustes et rudes se rendirent compte aussi de la supériorité intellectuelle du nouveau venu et lui témoignaient une certaine déférence. Lorsqu’il s’agissait d’une question étrangère au métier, son avis était écouté par ces troupiers ignorants, et prévalait. Bientôt, il fut le kodja ou secrétaire de son peloton et écrivait, pour les illettrés, ces lettres dictées qui commencent invariablement par la formule : « Mes chers parents, je mets la plume à la main… » et se terminent non moins invariablement par un appel de fonds. Lorsque après avoir achevé ses classes d’instruction, Damase se mit à