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kelp ! Alouf ! Allons derrière la mosquée, je vais te foutre les tripes au soleil !

— Allons ! dit Damase.

Et les deux adversaires rentrèrent dans le baraquement prendre leur sabre et ressortirent bientôt, suivis de tout le peloton.

En ce temps-là, dans les troupes d’Afrique, la discipline n’existait guère qu’en face de l’ennemi, et, aux chasseurs, on ne demandait pas la permission pour se flanquer un coup de torchon.

Derrière l’enceinte de la Koubba, qui avoisinait le quartier, les deux hommes mirent bas veste et chemise et s’alignèrent. L’un avait un torse élégant et des membres bien attachés qui annonçaient de la vigueur ; l’autre était carré des épaules et poilu : comme un ours. Damase ignorait totalement l’escrime, comme celui qui touchait un sabre pour la première fois ; aussi, sa défense était tout instinctive, et, quant à l’attaque, il se servait de son arme comme d’un bâton et tapait dur. Le vieux soldat parait les coups sans trop de peine d’abord, et cherchait, par des feintes, à amener Damase à se découvrir ; mais c’était faire de l’habileté en pure perte avec ce conscrit qui ignorait les parades régulières et semblait un batteur en grange.

Au bout de cinq minutes de cette violente escrime, les deux adversaires s’arrêtèrent au commandement du brigadier de chambrée qui présidait à la rencontre. Le vieux chevronné, un peu essoufflé, tordait sa moustache et rageait. Damase, lui, ne tordait pas la sienne, encore naissante, et se reposait, une main sur la hanche, l’autre sur son sabre pointé en terre. À la reprise, La Douceur, furieux d’être tenu en échec par un conscrit, porta à Damase deux ou trois coups précipités que celui-ci eut quelque peine