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— Comment cela ? dit Valérie étonnée.

— Je vais vous l’expliquer ; mais il me faut prendre les choses d’un peu haut. Vous n’avez point, sans doute, ouï parler des Bertin, dont l’un fut ministre de Louis XV. Ces Bertin étaient maîtres de forges à la Forge-d’Ans et commencèrent leur fortune en fondant des canons pour armer la flotte du chevalier de Pointis, envoyée contre Carthagène, à la fin du dix-septième siècle. Plus tard, ils l’accrurent en spéculant sur les billets de la banque du Mississipi. Une des plus heureuses opérations en ce genre du père du ministre fut d’acheter la terre de Bourdeille et de la payer avec ces billets de Law. Quand je dis heureuse, c’est pour lui seulement, car le vendeur fut ruiné. En résumé, malgré leur fortune, leurs seigneuries acquises dans trente paroisses et le titre de comte de Bourdeille, ces Bertin étaient des plats-pieds.

« Henri Bertin, après avoir été magistrat, intendant à Lyon, lieutenant général de police, était arrivé au poste très important de contrôleur général où il s’usa vite. Mais, comme c’était un homme affable, facile, accommodant et sachant se rendre utile dans les offices inférieurs, il gagna la confiance du roi Louis XV auquel il n’imposait pas par des talents éclatants, ainsi que celle de Mme de Pompadour, et, plus tard, celle de la comtesse de Barry. Lors de sa sortie du contrôle général, le roi lui fit composer un petit ministère de quelques attributions enlevées aux autres. En outre, il lui donna la gérance de ses affaires privées et le maniement de ses fonds et valeurs. Mais, de plus, et c’est ce qui touche à notre sujet, il le chargea d’établir les demoiselles du Parc-aux-Cerfs, lorsqu’elles étaient enceintes ou avaient cessé de plaire, et de marier ses filles natu-